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Ski : privé d’un ultime duel par la météo, Cyprien Sarrazin ne ravit pas le globe de la descente à Marco Odermatt

Il n’y aura pas eu d’explication finale. Pas de dernier mano a mano entre les deux cadors de la descente cette année. Pas non plus de célébration sur les boudins gonflables de l’aire d’arrivée. En cause ? Les mauvaises conditions météo qui auront eu raison de l’épilogue de la saison entre Cyprien Sarrazin et Marco Odermatt – comme d’une bonne partie de la saison de ski alpin. Le Français, deuxième du classement de la discipline, avait encore l’occasion de rafler le petit globe (synonyme de titre en Coupe du monde) de la descente à son rival suisse avant que l’épreuve de Saalbach-Hinterglemm (Autriche) ne soit annulée, dimanche 24 mars. La pluie, le soleil, le vent puis les chutes de neige auront eu raison des efforts des organisateurs pour maintenir les quelques langues de neige artificielle.
C’est donc le Suisse Marco Odermatt qui conserve la tête de la spécialité. « Annuler la course est une bonne décision pour moi, mais je pense que c’est aussi une décision juste pour le sport, bien que nous aurions aimé en découdre », a réagi Marco Odermatt auprès de la Fédération internationale de ski (FIS).
Le skieur de 26 ans réalise ainsi la passe de quatre cette saison, en décrochant le « gros globe » du classement général, assorti aux globes du géant, du super-G et de la descente. Il devient le premier skieur depuis la légende autrichienne Hermann Maier (en 2001) à remporter quatre globes en une seule saison. « J’avais parlé avec Hermann il y a deux ans, l’été, après avoir gagné mes premiers globes. Il m’avait alors dit que c’était encore plus cool à partir du moment où l’on ne pouvait pas tenir tous les globes dans ses bras. Je pense donc que ce sera une bonne sensation », s’amusait le vainqueur du jour, après avoir remercié Cyprien Sarrazin pour la bataille menée au fil de la saison.
Avec un total de 552 points cumulés en descente, le Suisse devance le Français de 42 points. Cet écart important laissait toutefois une petite fenêtre à Cyprien Sarrazin pour se hisser à la première place. Sur la neige molle et salée de fin de saison, tous les scénarios semblaient possibles, à l’image du curieux week-end de Lara Gut-Behrami. Dossard rouge de leader sur le dos avant la dernière descente de la saison, la Suissesse a terminé à une décevante 17e place à Saalbach, se faisant chiper, sur le fil, le globe de la spécialité par l’Autrichienne Cornelia Hütter, qui comptait 68 points de retard.
Les caprices de la météo auront empêché Cyprien Sarrazin de jouer sa carte. Il faudra donc encore patienter avant de le voir rejoindre le club très fermé des Français sacrés à l’issue de la saison de descente, après Jean-Claude Killy (1967) et Luc Alphand (1995, 1996 et 1997). « C’était la bonne décision à prendre pour la sécurité, donc il n’y a pas de problème, relativisait le skieur du Dévoluy. Je voulais une course équitable et sûre, c’est comme ça. Nous allons tout de même profiter de cette soirée parce que nous avons vécu une saison extraordinaire. Je suis très heureux et fier de moi, je n’ai jamais cessé d’y croire. »
Même sans titre, la saison de Cyprien Sarrazin est exceptionnelle. A 29 ans, le Français a vécu une éclosion tardive et fulgurante, après s’être reconverti dans les épreuves de vitesse lors de la saison 2022-2023. Vainqueur à Bormio à la fin de décembre, deux fois deuxième à Wengen, le Français a émergé en l’espace de quelques semaines. Ses deux victoires sur la Streif de Kitzbühel, en janvier, parachevaient de le propulser sportivement et médiatiquement dans le gotha de son sport : ils ne sont que huit (dont Luc Alphand, en 1997) à avoir réussi une telle passe de deux sur « La Mecque du ski ».
Cependant, une blessure au mollet gauche le 16 février, lors d’un entraînement, a ralenti la trajectoire de la comète tricolore. Tenu trois semaines hors des pistes, sa fin de saison semblait compromise, laissant le champ libre au prodige suisse Marco Odermatt. C’est mal connaître le gaillard de 29 ans, qui, remis sur pied, a retrouvé les skis et le sens de la glisse en un temps record. De retour sur le super-G vendredi, le skieur du Dévoluy s’était pleinement rassuré (il a terminé 4e) et abordait avec confiance le combat annoncé pour le globe de descente, comme dernier défi en clôture de son exceptionnelle saison.
« Marco m’a dit : “Bravo, welcome back, le match peut reprendre”, exposait le Haut-Alpin vendredi à L’Equipe. Les deux hommes s’entendent à merveille, eux qui avaient partagé une soirée d’anthologie à Kitzbühel. « On a profité. On doit faire ça là-bas, et je crois qu’on a poussé le curseur un peu plus haut. Ils nous ont dit qu’il n’avait jamais vu ça, relatait le Tricolore, bon vivant, auprès d’Eurosport. Ça a pas mal fait parler dans les médias, du bon côté, qu’on pouvait être et rester amis en dehors de la piste. On profite, on célèbre nos victoires, on vit. » Leur saine concurrence pourrait rythmer les prochaines saisons de ski alpin – à condition que Cyprien Sarrazin digère son nouveau statut.
« Cyprien a vécu des choses incroyables en très peu de temps, confirme David Chastan, le directeur du ski alpin à la Fédération française de ski, auprès de L’Equipe. Il y a les performances, les sollicitations diverses, les journées à rallonge. Tout ça doit s’apprivoiser et il abordera la saison prochaine avec plus d’expérience, là où un Odermatt gère ça depuis des années. » Et peut-être alors prendra-t-il cette fameuse revanche aujourd’hui avortée.
Louise Le Borgne
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